J’ai décidé d’expliquer à ma mère ce qu’est mon travail d’artiste pour sauver du temps à la tablée de Noël

Ouff, pas facile:

Je dis ouff, pas facile parce que le premier exemple qui me vient en tête est Yan St-Onge qui travaille sur RIEN.

« Yan St-Onge est artiste, poète, performeur et spécialiste en rien. »

Même si la question centrale est rien et que c’est à n’y rien comprendre, je finis par en comprendre quelque chose.  (il va être déçu…)

T’il y a longtemps, jadis, naguère

En fin de compte, même moi qui était artiste « sans le savoir » l’ai appris sur le tard.  Pour être un artiste, ça prend minimalement une démarche (optimalement on dit une démarche forte). 

Au début, je créais des choses sans savoir pourquoi mais à force de créer, le chemin chez moi s’est créé à l’envers, la démarche est venue suivant la création.  Normalement, ça vient de l’autre sens cette petite chose là.  L’artiste répond à une question qu’il souhaite que la personne qui va rencontrer l’œuvre devra se poser.  Souvent, la personne qui rencontre l’œuvre, il ne se posera pas la question initialement posée par l’artiste mais ça fera son œuvre pareil!

Asteur Mom, j’ai au minimum 3 démarches et pratiques définies. 

Chu le cordonnier le plus mal chaussé à ce titre là mais faut que t’ailles visiter ces liens-là pis que tu zieute du plus récent au plus vieux pour comprendre un tipeu. 

Asteur que t’as fait un peu de BACK TO THE FUTURE de mon passé artistique, je vais tenter de te l’expliquer dans l’ordre sans être trop paternaliste. 

Dès le départ, c’était la photo de rue qui m’a attiré pour des raisons qu’à ce moment là je comprenais pas, les photographes de rue construisent au quotidien sans trop se poser des questions fortes, le patrimoine humain de demain.  Ils donnent du jus aux sociologues pis aux anthropologues au travers du temps, à travers des images d’archives.   Tu pouvais ben pas comprendre pourquoi je sillonnais toutes les rues de Montréal avec ma caméra en bandouillière sur l’épaule.  Moi non-plus c’était pas clair que ce que je recherchais c’était à aider à construire le patrimoine de demain.  Montrer des angles pis des affaires jamais vues, c’était ça l’objectif du soir mais pourquoi?  Je me retrouvais souvent donc à des endroits où t’es pas exactement supposé pis dans des moments souvent nocturnes. 

Ben en fait ça a eu ça de positif cette époque là parce que ça a forgé ma pratique de lightpainting pis de compositing.  Là je sais, j’viens de te perdre Mom, Lightpainting c’est « peinture à la lumière » donc dans mon cas avec une/des flashlight.  Je peins avec ma flashlight des zones d’une photo en montrant rarement voire jamais la source de la flashlight pour créer un questionnement de « comment c’est fait? »

Pis compositing c’est pire parce que ça se traduit par « images composite ».  Moi je le traduis plus simplement par choisir une petite bouchée de plein de différentes photographies qui ont différentes clarté/ambiances pis d’en faire une image finale assemblée de ces petites bouchées. 

Mais là le problème c’était pas ça, c’est pourquoi je me suis donc mis à peindre sur les photographies numériques que j’imprimais sur le médium canvas, montées sur faux-cadres?

J’étais fâché contre le milieu de l’Art Mom.  Je faisais de la photographie, même si c’est mieux vu/connu aujourd’hui, j’étais pas peintre ou un artiste traditionnellement reconnu.  S’feq moi j’connaissais Jackson Pollock, pas fou j’ai faite « pareil » sauf par-dessus mes invendues en disant dans ma tête; « vous voulez d’la peinture, tin ma vous en donner, Cr*** ».  Encore là j’ai pas réinventé le milieu artistique en étant fâché, triste ou déçu.  Je ne suis définitivement pas le premier à être passé par là.

 

Mais là j’me su faite avoir maman, j’ai aimé ça pis j’me suis demandé si j’serais capable avec des pinceaux.  Bâtard, oui, pis j’étais patient à la main droite au début c’était très réaliste.   

Cette ville me fait craquer
Entretenons nos déchets

C’est ce qui fait qu’après avoir été frustré contre mes invendues, j’ai trouvé une solution pis une passion; l’acrylique.

À cette époque là. Je déménageais souvent sfeq j’me su développé aussi une anti-passion pour déménager des toiles.  C’était souvent la dernière chose qui sortait de mes apparts pis que je devais faire très attention pour pas les abîmer en plus. 

 

En sortant du 2160, j’me souviens Pôpa était là pis j’n’ai smashé 3 pièces uniques avec des démarches fortes qui plaisaient pas au grand public.  Ah Câ****e que ça m’a fait du bien!

 

S’feq plus tard dans  un autre déménagement j’ai décidé de brûler les invendues, c’était plusse magistral. 

 

En arrivant en Gaspésie, toute a changé, j’avais pu de repère de ce que j’aimais à photographier pis j’ai été subjugué par le travail de Jeannot Rioux qui fait encore aujourd’hui des tracés de raquette sur neige du LandArt.  Comme qui dit dans une capsule temporairement hors-ligne de la Fabrique Culturelle.  Je l’ai appelé un beau matrin pis on a commencé à collaborer ensemble.  Asteur, on fait itoo des pierres en équilibre pis souvent y manque de mains s’feq ça devient par défaut les miennes.  Pis à force de se pousser plus loin et de faire des œuvres de plus en plus grandes en dimensions, y manque de jambes dans les raquettes.  Par défaut, c’est les miennes qui l’aident à tracer les tracés.

Jeannot Rioux et Jonathan Desjarlais en plein dans le mille DRONE

Bon tu commences à comprendre, les talents s’additionnent, se cumulent et se transforment. C’est rendu qu’on parle pu de cordes à mon Arc mais de cordes à ma harpe.

Tout ça c’était pas assez Mom, j’avais toujours été subjugué par les visualisations de Winamp un programme ’90 pour écouter des MP3 pis travailler comme pigiste à la SAT, ça avait pas soigné mes ardeurs créatives sfeq au lendemain d’un bon beach party avec des projections de visualisations Winamp, je me suis dis que je pouvais en faire moi-itoo. 

Pète pas ma balloune à me demander « à quoi ça sert? » c’est typiquement pour faire des projections dans les shows dans les grands festivals que le monde font ça.  Sauf que Bon Yieu je suis rendu à Gaspé… C’est proche de plein de choses mais c’est loin de la majorité des grands festivals.  Y’a eu par chance l’installation en année de pandémie dans Fort-Péninsule du Parc Forillon.  J’y jouais en lumière et projections pis j’avais été matché avec France Jobin une artiste audio internationalement reconnue. 

Et enfin j’ai été invité à réaliser une expo solo à Vaste et Vague, à Carleton.  J’y ai fait une super installation où on parlait de gamification, le visiteur était invité à interagir avec les Cajòns pis faire allumer en gang des « Stripes de LEDs » au plafond sur la musique générative de Jérôme Guilleaume

Dans le fond Mom, ma démarche n’était pas claire au départ, c’était un chemin, un chemin mauditement tortueux pour ma part.  Mais enfin avec le statut d’Artiste Professionnel qui s’ouvre depuis mon adhésion au RAAV(Regroupement des Artistes en Arts Visuels du Québec). Je peux enfin commencer à rêver à du budget pour réaliser mes projets.  J’ai aussi compris à retardement en torieux qu’une démarche ça se réécrit sans arrêt, pratiquement à chaque demande de bourse, ça a changé! Mais si y faut que je le résume en une phrase, mon travail d’artiste a toujours tourné au niveau du patrimoine.  Pis avec le temps, je me suis rendu compte que le patrimoine ben ça avait beaucoup de formes pis d’embranchements et que c’était très peu reconnu valorisé, entoucas, pas à sa juste valeur!

Asteur

Pour le reste Mom, faudrait j’te parle de ma démarche actuelle pour mes 3 pratiques distinctes, de mes ambitions pis itoo de l’importance du patrimoine dans mon travail, de la résistance face à la frustration dans le milieu artistrique, de collaborations et d’élargissement des horizons et pourquoi tout ça a viré vers des projections visuelles et des installations artistiques.  Mais ça si tu veux bien, on discute de ça autour d’un verre.  J’ai hâte que tu me pose toutes ces questions là, une par une en ayant lu tout ce qui précède.  

En conclusion:

J’t’aime Mom pis je le sais chu difficile à suivre par ti-boutes!

Jo